I-QUI SONT LES GNOSTIQUES ?
Sommes-nous vraiment au monde ? Notre monde n’est il pas un monde manqué, imparfait ?? L’homme est il vraiment un être achevé ??? La vraie vie n’est-elle pas ailleurs ? Et les institutions, loi, traditions, qui nous gouvernent, sont manifestement imparfaites, et donc, sont elles là pour nous protéger, ou bien pour maintenir l’Humanité dans un état de sujétion millénaire ???
Les gnostiques ont posé ces questions radicales, sur les rivages et dans les ruelles d’Alexandrie, face aux idoles d’un monde païen en perdition, face aux excès d’un christianisme triomphant. Questions toujours actuelles : l’injustice, l’intolérance, l’arbitraire et la souffrance continuent d’habiter ce monde. Alors où est l’issue ? Peut-on aujourd’hui encore suivre la voie gnostique pour échapper au Mal ? Ce n’est certes ni dans les religions ni même dans toutes les fraternités initiatiques, qui veulent transformer l’homme pour le rendre meilleur, que ce trouve ce salut, puisqu’elles sont toutes des dépôts voir des foyers puissants de la gestation du Mal qu’elles n’ont manifestement pas pu circonvenir, et même qu’elles attirent par les idéaux de pureté qu’elles véhiculent, et qui restent vains …
Les gnostiques, à travers les textes que nous vous présentons, ne sont non plus ici les habitants d’un monde antique disparu, mais les compagnons de route de nos doutes et de nos refus. Des complices même, dont la parole vivante nous parvient, étonnamment neuve. Leur critique radicale de toute la Création s’accompagne d’une certitude tout aussi radicale, qui la suppose et la sous-tend : à savoir qu’il existe en l’Humain quelque chose qui échappe à la malédiction de ce monde, un feu, une étincelle, une lumière issue du vrai Dieu, lointain, inaccessible, étranger à l’ordre pervers de l’univers réel, et que la tâche de l’homme est de tenter, en s’arrachant aux sortilèges et aux illusions du réel, de regagner sa patrie perdue, de retrouver l’unité première et le royaume de ce Dieu inconnu, et toujours méconnu par toutes les religions antérieures ou postérieures.
Les images du Monde qu’ils proposèrent à leurs contemporains, si nouvelles, si libertaires, les licences qu’ils prirent avec les conventions du Monde, les reléguèrent d’emblée parmi les premiers révoltés et hérétiques de l’Histoire. Ils s’opposèrent à la perception d’une perfection du Cosmos telles que l’avaient conçu les anciens Grecs, aussi bien qu’au concepts religieux du judaïsme et furent persécutés par le christianisme qui voyait en eux de dangereux déviants religieux. C’est que certains auteurs ont qualifiés le gnosticisme comme une « hellénisation aiguë » du christianisme.
Ceci parce que sur l’arrière fond du monde antique en sa période tardive, un monde largement hellénisé après la période des conquêtes d’Alexandre, un monde cosmopolite et envahi par les cultes orientaux, les Gnostiques empruntent à des sources diverses l’expérience de la dualité manifeste de l’Être, de l’attente d’un salut qui peut être ne viendra pas, ainsi que l’idée d’une connaissance libératrice de la réalité, qui est la Gnose.
Plus que des systèmes philosophiques, les Gnostiques organisent leur conception du monde sur des images surprenantes de cosmogonies et des mythe en forme de poupées gigognes, dont la diversité et l’écho intérieur ne laissent pas indifférent ; notamment devant cette imagination débordante et la sincérité du désir de libération qui y est associé pour tenter de concilier ces systèmes complexe avec l’expérience subjective du Vécu. Malgré cette grande diversité et ces variations, les grands thèmes du Gnosticisme y sont tous présents : état de l’homme étranger au Monde, connexion de cet être à Dieu par son âme, et éloignement si lointain de l’Être Divin qu’il semble s’être retiré de sa propre Création, où ne règne plus que l’injustice, l’hypocrisie et le brigandage. Vie et Mort, Lumière et Ténèbres, Chute, abandon et nostalgie cosmique, ivresse, sommeil, appel puis éveil résonnent comme des thèmes du parcours de celui qui devient Gnostique, Endormi devenu Eveillé et dont le chemin radical prendra aussi bien la forme de l’ascèse que du libertinage, du mysticisme que de l’athéisme. Le gnosticisme reste également la matrice des formes religieuses du Moyen-Age, où, sous l’influence de la religion chrétienne, ses déterminismes antagonistes se scindent alors en ascétisme religieux (catharisme) et en Luciférisme magique. Quoi qu’il en soit, on ne connaîtra le Gnosticisme que sous la plume de ses détracteurs.
A notre époque moderne, s’il ne reste rien ou si peu des religions gnostiques, certains auteurs ont néanmoins conclu à une analogie surprenante avec les systèmes philosophiques modernes, notamment l’existentialisme de Sartre. Les Gnostiques voyaient en l’homme et en ses capacités la matrice même du génie à éveiller, potentiellement supérieur même par sa détermination au Dieu du Monde tangible, le Démiurge. Et donc chacun des actes de l’Homme, entièrement déterminés par lui-même, et ne relevant d’aucun jugement post-mortem en bien ou en mal, conduisent à la même conclusion que l’Homme est seulement en mesure d’assumer lui-même ses actes en toute totalité et en toute conscience. Certains auteurs comme Albert Camus, dans son ouvrage l’Homme Révolté, placent certains Gnostiques, notamment Caïnites, Séthiens et Ophites, dans la catégorie des Révoltés contre l’État de Nature dans lequel se trouve l’homme, œuvre du Dieu des religions révélés, Yaldabaoth, que ces sectes associent au Démiurge, celui qui préfère, de manière arbitraire, Abel à Caïn. Il situe ces mythes dans la filiation des légendes de Prométhée, celui qui vole le feu aux Dieux injustes et amateurs de sacrifices, pour le donner aux hommes qui en font alors aussi bien un usage ingénieux que catastrophique.
Dans le Monde actuel numérique, où les « miroirs magiques » des réseaux sociaux renvoient à l’égo de chacun une image déformée et factice, où les théories physiques les plus vérifiées comme la physique quantique pensent la nature de la Réalité comme informationnelle et non-locale, et où certains chercheurs mettent en place des expériences tentant de valider si la nature du monde est de nature simulatoire, les constructions des Gnostiques prennent parfois un sens nouveau. En effet la perte de sens que subit l’individu dans ce système où les valeurs de repère n’ont plus aucun cours est mentalement si similaire à celle des citoyens de l’antiquité décadente que le parallèle est frappant. On retrouve dans leurs théories les sources inspiratrice de certains type de science-fiction, notamment l’œuvre de Philip K. Dick (« S.I.V.A ») ou de Dan Simmons (« L’incident Jésus »).
Quoi qu’il en soit, les systèmes des gnostiques mériteraient d’être plus connus, alors même que les ouvrages qui en traitent restent peu accessibles au Public.
Parmi les mythes gnostiques, le mythe manichéen occupe une place à part mais en même temps permet de se représenter de façon peut être plus accessible ce que pouvait être un système de croyance de type gnostiques dans les premiers siècles de notre ère.