LA MORT D’ALEISTER CROWLEY / La description des funérailles par Pierre Mariel, 1973.
[Aleister Crowley], âgé de 72 ans l’année du premier décembre 1947, […] mourut à Hastings, d’une crise cardiaque. Ses obsèques furent aussi insolites que l’avait été sa vie : son cadavre fut revêtu d’une robe blanche, rouge et or et, ceint d’une écharpe où était brodés les signes du Zodiaque.
Comme un roi, il fut déposé dans son cercueil, couronne en tête, glaive et sceptre au poings. La chambre mortuaire fut transformée en “pastos” où signes et objets magiques remplacaient les symboles chrétiens.
Une seule inscription : Perdurabo, le nomen mysticum qui avait été imposé au défunts en 1898.
Le 5 décembre, la dépouille mortelle fut transporté à Brighton afin d’y être incinérée. Les quelques disciples fidèles sont noyés dans une foule indiscrète de reporters, de photographe et de curieux.
La municipalité de Brighton prévint les organisateurs qu’elles ne s’opposerait pas -tout en le désapprouvant-, aux rites non chrétiens qui pourraient être exécutés, à l’exception d’un seul : danser nus autour du cercueil.
Les disciples protestèrent qu’il n’y en avait jamais eu l’intention et qu’ils étaient les victimes de journaliste imaginatifs. La bière fut placé dans le cœur d’un oratoire attenant au four crématoire.
Malgré les protestations des amis du défunt les badauts ricanaient et s’interpellaient. Soudain au moment où la tension nerveuse atteignait son paroxysme, un disciple se leva et d’un geste autoritaire exigea le silence.
On lui obéit car on reconnut le romancier Louis Marlow. D’une voix profonde Marlow récita le chef-d’œuvre poétique du mort Hymne à Pan, qui commence ainsi :
Frissonne sous la volupté joyeuse de la lumière
Ô homme homme à moi !
Viens, surgissant de la nuit de Pan,
Io Pan, Io Pan,
À travers les mers, viens de Sicile et d’Arcadie
Tel Bacchus, vagabondant avec ta garde de faunes,
De panthères, de nymphes et de satyres
Sur un âne d’un blanc de lait.
À travers les mers, viens à moi, à moi
Viens avec Apollon en robe nuptiale
Viens avec Artémis, chaussée de soie
Et lavec ta cuisse blanche ô dieu splendide
À la lune des bois, sur le mont de marbre
Dans l’eau creuse et neuve de la source ambrée …
Un témoin John Symonds écrit : «Je crus voir, dans un coin sombre, Crowley, cornu comme Pan, qui nous regardait en ricanant. »Ensuite Marlow lut l’ode The Ship […].
Puis un autre disciple psalmodia quelques versets du Livre de la Loi. Certains passages étaient si étranges que l’assistance commença à s’agiter.
Alors sur un signe de l’ordinateur les «undertakers» firent leur office et la dépouille mortelle d’Aleister Crowley fut livrée au feu.
Cette cérémonie païenne suscita des commentaires passionnés.
Toute la presse britannique en rendit compte. Un journal de Brighton publia :
«Cette mascarade a profané un lieu sacré »
Le conseiller J.C Sherrot s’indigna :
«C’est un cérémonial de magie noire qui a été célébré. Et les Regalia qui ont été déposés dans le cerceuil offensent la majesté royale…. »
Le lord Chief of Justice prononça cette oraison funèbre : «Aleister Crowley était le personnage le plus immoral et pervers du Royaume-Uni»
Mais cette opinion fut contredite.
Pierre Mariel, Sociétés Secrètes, Paris-Bièvre, 1973, pp.142-144